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LE BLOG DE CYEK

Maître Lydienne Eyoum vs Amadou Ali & Cie : l'avocate sacrifiée sur l'autel d'intérêts mafieux !

9 Novembre 2010, 12:04pm

Publié par Cyrille Ekwalla avec Germinal

Lydienne-Eyoum.jpgMaître Eyoum Lydienne, conseil de l'Etat camerounais depuis 1998 dans un litige (liquidation Oncpb) qui l'oppose à la banque SGBC est incarcérée depuis le 11 janvier 2010 à la prison de Kondengui au motif de " détournement de deniers publics et complicité ".

Petit rappel Il est reproché à l'avocate d'avoir indûment perçu la somme de 1,070 milliards de Fcfa, dans le cadre de l'opération de recouvrement de 3,637 milliards de Fcfa émis par la société Barry au profit de l'Etat du Cameroun. En effet, la filiale camerounaise de la Société générale (Sgbc, camerounaise à 58%), reçoit le virement correspondant au rachat à l'Etat des 36.094 actions détenues par l'Office national de commercialisation des produits de base (Oncpb). Pour Me Lydienne Yen Eyoum, l'enveloppe a été détournée par la banque, qui couvrirait les "manipulations et malversations financières" de certains de ses responsables dont l'ex-directeur des affaires juridiques, André Noa. La Sgbc accable l'avocate, commise pour le recouvrement de la créance, de détournement destiné à obtenir de l'Etat du Cameroun un remboursement de 2,155 milliards de Fcfa. 

En 2008, Me Eyoum répond à une convocation du procureur de la république près le Tgi du Wouri, sur dénonciation du vice-Premier chargé de la Justice, Amadou Ali. Le parquet lui avait sommé "de restituer le reliquat  (1,070 milliards de Fcfa) des causes de la saisie du 13 juillet 2004, sous peine de poursuites judiciaires du chef de l'abus de confiance aggravé". En réponse à cette injonction du parquet, l'avocate déclare ne rien comprendre à la démarche du procureur. Elle estime n'avoir de compte à rendre qu'à son client : l'Etat, "un Etat qui, du reste, ne s'est pas plaint et ne se plaint pas". D'autant plus que, rappelle-t-elle, c'est le même Etat qui l'a "autorisée à se faire payer ses honoraires et autres frais sur partie des fonds", fruits de son travail de recouvrement. Allusion faite ici à Mrs Abah Abah Polycarpe (Minfi) et Engoulou Henri (Ministre délégué au Budget). En outre , elle dit ne pas comprendre le rôle joué dans l'affaire par Me Emmanuel Mbiam, qui se présente tantôt comme l'avocat de l'Etat, tantôt comme le conseil de la banque. Toujours est-il que, le 29 janvier 2004, lors d'une réunion convoquée par le ministre des Finances de l'époque, Michel Meva'a m'Eboutou, l'assistance découvre, par une correspondance, que la Sgbc a négocié en avril 2001, par l'entremise de Me Mbiam, le paiement de la somme de 3,615 milliards de Fcfa pour solde de tout compte ainsi que main levée de la saisie attribution et l'abandon des intérêts, du montant de l'astreinte et renonce à tous autres droits". Et où l'on apprend que Me Mbiam s'en sort lui-même avec une rondelette somme de 354 850 510 FCfa

Comment en arrive-t-on là ?

Alors que Me Eyoum Lydienne a réussi à faire condamner la Sgbc, à payer la somme de 5 214 497 461,24 FCfa dans l’affaire qui l’oppose à l’État du Cameroun, l’ex ministre de l’Économie et des Finances, Edouard Akamé Mfoumou engage des négociations secrètes avec les responsables de cette banque à l’insu du conseil de l’État Me Yen Eyoum Lydienne, régulièrement constituée. Après avoir imposé son homme de main Me Mbiam dans « l’affaire », il accepte le rapprochement avec la banque pour ne recevoir que 3 615 972 800 FCfa pour solde de tout compte. Dès son entrée en fonction, Monsieur Meva'a renouvelle, le 08 mai 2003, la constitution de Me Yen Eyoum, comme avocate de l'État. Il ne se sent pas lié par ce que son prédécesseur appelle règlement à l'amiable et définitif, faute de convention expresse allant dans ce sens. Répondant aux interrogations de Me Yen Eyoum sur la conduite à tenir, à savoir désistement de l'État dans la procédure en cours ou poursuite de celle-ci, par lettre du 16 juillet 2003, il fait instruire à Me Yen Eyoum qu'aucune convention n'a constaté le règlement à l'amiable intervenu avec le remboursement de la somme de 3.615.972.800 F.Cfa. Il l'invite par conséquent à préparer un projet d'accord qui intégrera les composants du différend qui oppose l'État du Cameroun à la Sgbc au sujet de la créance Gortzounian.

À qui profite donc ce crime ? Est-on tenté de se demander. Certainement pas à l’État du Cameroun et aux contribuables camerounais. Quel intérêt Amadou Ali et consorts ont-ils à prendre fait et cause contre l’État du Cameroun? Voici l'enquête de l'hebdo "Germinal" sur cette affaire.

Sur la non-information de la prévenue :

Au palais de justice de Yaoundé, avocats et magistrats rencontrés ne sont pas surpris de la tournure que prennent les événements. Selon certains avocats rencontrés, le 26 octobre 2010, dans la salle des avocats, cette affaire est passée inaperçue. « C’est vous qui nous informez de son issue. Nous ne savons pas quand et où elle a été appelée et jugée. Nous ne savons pas si elle a même été inscrite à un rôle ». Et un autre de renchérir : « Ainsi va la justice camerounaise. Cette manière de procéder ne nous étonne plus. Nous sommes habitués à ces mascarades et parodies de procès. Certains magistrats bafouent volontairement les dispositions pertinentes du code de procédure pénale juste pour contenter la chancellerie et éviter certains désagréments tels que des affections disciplinaires déguisées dans des zones où il n’y a rien à mettre sous la dent. »

Un magistrat rencontré dans son bureau au palais de justice de Yaoundé, visiblement révulsé, raconte sous le couvert de l’anonymat : « Nous subissons de multiples pressions de la part de la chancellerie. Nous ne pouvons rien. Nous ne sommes pas organisés en syndicat pouvant défendre nos intérêts collectifs. Si individuellement un magistrat engage une action pour changer la situation, c’est à ses risques et périls. (...) Dans le cas de Me Eyoum, elle est dans son droit. Son affaire n’aurait jamais prospérer si la chancellerie n’était pas derrière. Les multiples violations de ses droits et ceux de la défense sont des preuves que mes collègues en charge dudit dossier n’ont pas les mains libres. S’ils tentent de manifester une velléité d’indépendance dans cette affaire, ils seront affectés hors de Yaoundé. Un collègue honnête qui était à Douala et dont l’indépendance était légendaire en sait quelque chose. Il poirote aujourd’hui quelque part dans le septentrion simplement parce qu’il a voulu bien faire son travail. Au stade actuel de l’ «Opération épervier », les magistrats ont les mains liées et aucun d’entre eux ne peut oser aller à l’encontre des directives de l’exécutif transmises via la chancellerie. Vous comprenez pourquoi les arrestations opérées dans le cadre de l’ «Opération épervier » ne sont pas des initiatives du parquet, de la justice. C’est toujours l’exécutif qui demande d’arrêter Untel. C’est dommage pour notre justice et pour l’image du Cameroun. » No comment !

Cette déclaration du magistrat traduit la réalité vécue dans cette affaire qui avait été déclenchée après que le secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso ait instruit, dans la correspondance n°156/c6/Sg/Pr du 29 décembre 2009, le ministre de la justice, Amadou Ali de faire déférer Mes Eyoum et Cie devant le tribunal de Grande instance du Mfoundi (Cf Germinal n°057 du 26 mai 2010). Dans ladite correspondance le secrétaire général de la présidence de la République écrivait : « Faisant suite à votre correspondance de référence, j’ai l’honneur de vous notifier l’Accord du chef de l’État à vos propositions tendant à faire déférer Maîtres Eyoum Yen Lydienne, Baleng Maah Célestin, les nommés Abah Abah Polycarpe, Engoulou Henri et Ngwem au Parquet du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi en vue de l’ouverture d’une information judiciaire contre eux, avec mandat de détention provisoire, du chef d’accusation de détournement de deniers publics et complicité. Vous voudrez bien me faire connaître, pour la Très Haute Information du chef de l’État, l’exécution de ces diligences ». Et notre magistrat d'ajouter : «Mon brillant collègue Gilbert Schlick, peut bien se tuer, comme il l’avait fait à l’audience, pour démontrer que les magistrats n’ont pas vu cette directive de l’exécutif, il ne convaincra personne, puisque celles-ci sont antérieures à la décision qu’il a prise. De plus, il a été décerné aux concernés un mandat de détention provisoire, comme il est stipulé dans cette lettre du ministre d’État. Si moi je l’ai vu circulé à plus forte raison ceux qui ont le dossier entre les mains».

Sur la relation Amadou Ali et Me Mbiam Emmanuel

Une Convention de compensation des créances réciproques a été signée le 25 mai 2010 entre l’État du Cameroun (pour l'oncpb) représenté par Essimi Menyé, ayant pour conseil Me Maloka, avocat au barreau du Cameroun d'une part et et la Société générale des Banques au Cameroun (Sgbc), représentée par son administrateur directeur général, Alexandre Maymat, ayant pour conseil Me Mbiam Emmanuel, avocat au barreau du Cameroun. Selon cette convention, « les parties acceptent et conviennent de manière irrévocable que la présente compensation emporte extinction complète de leurs créances réciproques conformément aux dispositions des articles 1289 et suivants du Code civil camerounais » (art.3) « Chaque partie s’oblige à n’engager contre l’autre aucune procédure devant quelque juridiction que ce soit, ayant pour fondement l’une quelconque des créances éteintes. Les parties conviennent d’abandonner toutes les procédures pendantes tant devant les juridictions nationales, qu’internationales et les concernant exclusive »(art.6) «Dans cette optique, dès le 30 mars 2010, l’État a déposé un mémoire auprès de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage de l’Ohada à Abidjan tendant au désistement de son recours contre l’Arrêt du 24 mars 2008. Dans la même veine il a versé des conditions dans la procédure en dommages et intérêts pendante devant le tribunal de grande instance du Wouri, à l’audience du 07 mai 2010. Toutes ces écritures ont été communiqués à l’avocat de la Banque respectivement le 05 avril 2010 et le 07 mai 2010 »(art. 7).

C’est en lisant attentivement le préambule de cette convention et les correspondances adressées par Me Mbiam les 07 décembre 2009, 15 et 25 janvier 2010 au Minfi, au ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République que l’on appréhende les jeux troubles et manœuvres de cet avocat et du garde des Sceaux, Amadou Ali.
En effet, ce préambule reprend point par point termes et arguments d’Amadou Ali contenus dans sa correspondance n°3555/0882/99/Danrs du 25 mars 2005 adressée au secrétaire général des services du premier ministre. Selon Amadou Ali, « La saisie attribution de la somme de 2 155 milliards qu’a fait qu’a fait pratiquer Me Eyoum sur les avoirs de la Sgbc à la Beac en décembre 2004, n’a pas respecté les termes de ma circulaire du 14 octobre 2004 sur les saisies-attributions qui dispose : « la notification des actes de procédures ou exploits d’huissier à la Beac, notamment des saisies d’actifs financiers privés appartenant à un tiers ne pourra avoir lieu qu’en exécution d’une décision de justice devenue définitive ». Plus loin, il revient sur l’arrangement entre Akamé Mfoumou et la Sgbc «concrétisé par la lettre du Minefi en date du 03 avril 2001 adressée en la Sgbc » et «entériné[e] par l’arrêt n° 126/Ref du 08 août 2001 de la cour d’appel du littoral ». Avant de conclure : « Aussi l’affaire Sgbc c/ État du Cameroun (Minefi), me semble dès lors définitivement réglée. La nouvelle saisie pratiquée par le Minefi procède par conséquent d’un abus, auquel il serait souhaitable de mettre un terme en rétablissant la Sgbc dans ses droits, quitte à ce que l’État dénonce par la suite l’accord intervenu, au cas où il y en aurait fraude »
De son côté Me Mbiam n’est pas resté inactif. Tout en affirmant qu’il n’a jamais été l’avocat de l’État dans cette affaire, il déclare avoir toujours souhaité qu’il y ait un arrangement à l’amiable. Dans les différentes correspondances sus-mentionnées, il reprend à son compte les arguments du ministre de la Justice contenus dans la correspondance sus-citée. Il fonde sa démarche, soutient-il, sur la lettre du ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République qui, répondant à la sollicitation d’intervention introduite par la Sgbc, demande au Minefi, «sur très hautes instructions du chef de l’État, d’arrêter toute action engagée ou envisagée, dans le cadre de la procédure en objet, de rembourser les sommes indûment saisies » à la Sgbc. Aussi, soutient-il, dans le souci de rechercher l’apaisement et un arrangement à l’amiable, a-t-il rencontré Me Eyoum. Bref, pour Me Mbiam et Amadou Ali, la Sgbc est dans son bon droit.
Des sources proches de Me Eyoum Yen et certains avocats ayant côtoyé Me Mbiam Emmanuel ne voient pas les choses de la même façon. Pour celles-ci, la démarche entreprise par Me Mbiam en direction de l’avocate incarcérée n’était qu’une sorte de baiser de Judas. Toujours selon ces sources, la démarche de Me Mbiam n’était pas sans arrières pensées. « Après avoir essuyé un échec auprès du Ministre Essimi Menyé, il s’était retourné vers Me Eyoum pour l’amadouer à travers des correspondances au ton mielleux dans lesquelles il affirmait que le procès dont il s’agit est un procès civil. Dans ces correspondances, il demandait à l’avocate de faciliter la signature de la convention. Dès qu’il a obtenu la signature de l’avocate, il s’est moqué de tout le monde, même du ministre réticent à qui il avait lancé un défi en lui faisant savoir qu’il signera la convention de gré ou de force».

Interrogations :
Amadou Ali et Me Mbiam ont mis sur pied une stratégie visant à accréditer la thèse selon laquelle la saisie attribution de la somme de 2 155 milliards qu’a fait pratiquer Me Eyoum sur les avoirs de la Sgbc à la Beac en décembre 2004 procède d’un abus. Ils fondent leurs arguments, comme déjà dit , sur la lettre d’Akamè Mfoumou du 03 avril 2001 et sur l’arrêt n° 126/Ref du 08 août 2001 de la cour d’appel du Littoral. Me Mbiam nous a ressassé lesdits arguments des minutes durant au téléphone, oubliant que le diable se cache souvent dans les détails. Aussi, les contradictions que l’on peut noter dans leur démarche viennent-elles montrer à suffisance qu’il n’y a pas de crime parfait, comme l’affirme un adage populaire.

- Le vrai-faux mensonge de Mbiam : Si donc l’affaire avait été réglée en 2001, comme le martèlent Amadou Ali et Me Mbiam, comment comprendre que Me Mbiam se démène comme un beau diable pour obtenir la signature de Me Eyoum en vue de signature d’une convention de compensation de créances réciproques ? (...) En allant solliciter la signature de Me Eyoum et en faisant en sorte que la convention soit effectivement signée le 25 mai 2010, plusieurs années après le départ d’Akamè Mfoumou et 5 mois après l’incarcération de Me Eyoum, Me Mbiam reconnaît implicitement que la lettre d’Akamè Mfoumou et l’arrêt n°126/Ref obtenu après d’énormes pressions exercées par la chancellerie sur les magistrats de la cour d’appel du littoral n’engageaient pas l’État du Cameroun qui ne pouvait pas abandonner la procédure « faute de convention expresse allant dans ce sens ». Par ce conséquent, Monsieur Meva’a m’Eboutou était en droit de donner des instructions au conseil de l’État pour la poursuite de la procédure.

- Le revirement du Ministre Essimi Menye : après le verdict de la cour d’appel du littoral, le ministre des Finances, Essimi Menyé avait adressé, à l’avocate, le 28 mars 2008, une correspondance dans laquelle il lui demandait de saisir la Cour commune de Justice et d’Arbitrage de l’Ohada  d’Abidjan. Dans ladite correspondance Essimi Menyé écrivait : "Faisant suite à votre compte rendu du 26 mars relatif à l'arrêt du 24 mars 2008 rendu par la Cour d'appel du Littoral dans l'affaire visée en objet ; Je vous demande de bien vouloir saisir la Cour commune de justice de et d'arbitrage (Ccja) d'Abidjan aux fin d'obtenir la cassation de ladite décision, et de poser tous les actes nécessaires à la défense des intérêts de l'État dans cette affaire". Mais, subrepticement, il a apposé sa signature le 25 mai 2010, au bas d’une convention dont le contenu jure avec ses convictions antérieures dans cette affaire. Comment comprendre ce revirement ? Pour Mbiam, imposé par Akamé Mfoumou à la Sgbc comme avocat-conseil dans l'affaire qui l'opposait à l'État Cameroun et missi-dominici du Garde des sceaux Amadou Ali, il affirme sans rire que le ministre des Finances s’est rendu compte sur le tard qu’il avait été trompé.

Et pourtant, c’est bien parce que le ministre Essimi Menyé ne comprenait pas qu’on annule une saisie-attribution qui avait été exécutée quatre ans plus tôt qu’il avait demandé au Conseil de l’État de saisir la Cour commune de Justice et d’Arbitrage d’Abidjan. Et si Me Mbiam s’est battu pour que cette juridiction ne connaisse pas de cette affaire, c’est bien parce que, conscient du caractère inique de l’arrêt de la cour d’appel du littoral, il sait qu’en laissant cette juridiction supranationale faire, elle allait annuler ledit arrêt sur lequel Amadou Ali, la Sgbc et lui fondent leurs arguties.

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