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LE BLOG DE CYEK

Cameroun : Finances publiques : Paul Biya veut contrôler l’emprunt obligataire

19 Septembre 2010, 23:08pm

Publié par Brice . Mbodiam (Mutations)

Le chef de l’Etat a finalement signé le décret débloquant le processus, mais conditionne l’utilisation des fonds obtenus à son appréciation.

 

Le chef de l’Etat a finalement signé le décret débloquant le processus, mais conditionne l’utilisation des fonds obtenus à son appréciation. Après plus de deux mois d’attente, le décret du président de la République qui habilite le ministre des Finances, «avec faculté de délégation, à conduire au nom du gouvernement l’émission d’un emprunt obligataire pour le financement de projets de développement», a finalement été signé le 6 septembre dernier, comme l’indique le document dont Mutations a pu obtenir copie. Pourtant, des sources généralement bien informées à la présidence de la République soutiennent que le chef de l’Etat, Paul Biya, a bel et bien paraphé ce document depuis le 2 septembre 2010, avant de s’envoler deux jours plus tard pour un «court séjour privé en Europe». A en croire nos sources, le décret sus mentionné a transité par le Fonds monétaire international (Fmi), avant d’atterrir finalement sur la table du ministre des Finances, Essimi Menyé.

Le décret du chef de l’Etat a le bonheur de repréciser la destination des fonds qui seront issus de cet emprunt obligataire de 200 milliards de Fcfa prévu dans le budget 2010, pour lequel on arrive en fin d’exercice dans deux mois. De ce point de vue, Paul Biya a d’ailleurs rendu public hier mardi, 14 septembre 2010, la circulaire sur la préparation du budget 2011. En effet, alors que certaines sources autorisées n’hésitaient plus à voir en le futur emprunt obligataire une sorte de bouffée d’oxygène devant permettre de soutenir le budget 2010 en proie à d’énormes difficultés de réalisation (baisse des recettes fiscales, difficultés pour la douane à réaliser ses objectifs) ; le chef de l’Etat reprécise que les 200 milliards de Fcfa que le gouvernement compte lever à la Douala Stock Exchange (Dsx) vont servir à «financer des projets de développement». La loi des Finances 2010, elle, parlait déjà plus clairement de «projets structurants».

Et comme pour affirmer son ambition de garder la main sur l’utilisation des fonds reçus de l’appel à l’épargne publique que le gouvernement se propose de lancer, Paul Biya précise dans le décret qui habilite le ministre des Finances à exécuter l’opération au nom du gouvernement, que «les emplois de l’emprunt obligataire (…) sont soumis à l’approbation préalable du président de la République». Traduction en français facile : seul le président de la République décidera, en dernier ressort, des projets à financer par les retombées de cet emprunt obligataire, le tout premier de l’histoire du marché financier camerounais (celui de la Communauté urbaine de Douala avait finalement été rangé dans la catégorie des placements privés).

Inquiétudes

Il n’est pas exclu que cette disposition présidentielle verrouillant quelque peu l’utilisation de l’emprunt obligataire soit source de blocage pour le démarrage de certains projets structurants, dont le démarrage est prévu en cette fin d’année 2010.

Cas pratique : entre la conception du décret habilitant le ministre des Finances à lancer l’emprunt obligataire et la signature effective dudit décret par le président de la République, deux mois et demi se sont écoulés. En partant de cet exemple, considérons que, comme l’indiquent les experts, le ministre des Finances puisse boucler l’emprunt obligataire en un mois (l’exercice budgétaire court à son terme), c'est-à-dire le 15 octobre prochain à compter de ce jour. Qu’il souhaite, ensuite, dans la semaine du 20 octobre prochain obtenir le quitus présidentiel pour utiliser une partie de ces fonds dans le lancement des travaux de construction du port en eau profonde de Kribi (dont les financements ne sont pas encore disponibles) prévu normalement en novembre prochain. Calculette en main, le quitus arrivera vers la fin du mois de décembre voire au début du mois de janvier 2011, retardant ainsi d’un mois au moins le chronogramme des activités du comité de pilotage du projet de construction du port en eau profonde de Kribi.

Nonobstant les inquiétudes que peuvent susciter l’article 2 du décret présidentiel habilitant le Minfi à lancer l’emprunt obligataire, le processus pour la mise en œuvre de ce mécanisme de financement qui sera expérimenté pour la première fois par le gouvernement camerounais, est très avancé. De sources proches du dossier, il a déjà été procédé au recrutement par appel d’offres de trois prestataires de services d’investissements (Psi), qui devront jouer le rôle d’interface entre les souscripteurs et la Dsx.
Il s’agit notamment de trois banques de la place, à savoir la Sgbc, la City Bank et Afriland First Bank. Ces intermédiaires de bourse, selon nos sources, ont déjà demandé et obtenu, depuis plusieurs semaines, toutes les informations statistiques et macroéconomiques permettant de constituer le dossier et de préciser les caractéristiques de l’emprunt obligataire de l’Etat du Cameroun. Il ne restait plus que le décret du président de la République pour déclencher le processus. Lequel décret est prêt depuis le 6 septembre dernier. Officiellement.

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