Cameroun : un champ politique miné
Tous les rapports des ONG, désireuses de rendre service à l’avenir du
Cameroun – du moins c’est ainsi qu’elles se présentent – n’arrêtent pas de lancer des signaux d’alarme : le pays va mal et les scénarios, pour l’an 2011, sont au plus alarmants sinon
désespérants, si le Rdpc ne fait pas ceci ou cela.
En somme, tout se passe comme si la donne incontournable du changement ne passait que par des réformes, refontes ou révisions à n’engager qu’au sein du Rdpc. Il tiendrait le
pays, comme jamais, et c’est par lui qu’il faut passer pour créer le déclic... En somme l’opinion semble être plus ou moins conditionnée au fait que seul le Rdpc, demain
réformé, révisé ou refondé, pourrait gouverner le pays si... Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Comment expliquer ce qui
pourrait laisser penser à un pragmatisme, loin des déclarations, incantations incendiaires de l’opposition, nous ramenant à une réalité du rapport des
forces.
Au fond que se passe-t-il dans le champ politique camerounais, un an avant l’élection présidentielle ? Et que représente cette élection en définitive dans le cursus politique du Cameroun ? Qui a accès, pour quoi faire ?
Si ces questions sont posées, c’est que l’actualité politique s’est enlisée dans le suivi des tribulations du Rdpc, sans que rien de bon ne sorte de ce suivi. Sinon on apprend que les militants du Rdpc, revendiquent leur droit aux postes et aux responsabilités. Qu’ils seraient les seuls légitimés à revendiquer les bienfaits du Rdpc. Que René Sadi fasse la tournée par région des membres du Comité Central, tout de suite la presse fait des essais de prospective en essayant de faire croire que le jaune n’est pas jaune et que le vert est rouge. Car toute la presse s’est mise en émoi, en essayant de laisser croire que cette consultation résulterait d’un agenda personnel des dauphins putatifs, dont René Sadi ne serait qu’un des modèles. Ou parangons ! Ou encore ces concertations seraient une autre manière de donner la parole à ceux qui ne sont pas encore repris de justice, qui ne sont pas des nantis, ni des prescrits, pour laisser croire que l’on veut bien entendre tout le monde. Mais en tout cas le mouvement du Rdpc, a été à la une des journaux comme si chacun se sentait responsable des heurts et malheurs de ce parti gouvernemental qui a déjà fait son temps. Et a pris tout son temps.
Quant aux querelles internes, on sait que conformément aux statuts du "R." Les membres du Comité Central sont élus par le Congrès. Lequel congrès ne se tient que de manière exceptionnelle, à la veille d’une élection présidentielle. Et lorsque l’on connait le fonctionnement des partis, on peut subodorer la manière dont le bloc dirigeant est capable de verrouiller. Mais que font-ils du contexte de la révision constitutionnelle où le chef de l’Etat lui-même a accepté une prorogation de sa capacité à prétendre à se présenter à une élection ? Que peuvent-ils contre cette machine ? Eux qui ont été cooptés, recommandés ou élus, grâce aux prébendes que leur laissait le Chef de l’Etat ? Oui que font-ils des ambitions personnelles d’un Chef qui a été dès son ascension plus ou moins méprisé, voire négligé par la classe politique mais qui aujourd’hui peut prendre sa revanche ? Que font-ils de cet égo ultra dimensionné à la François Mitterrand, pour croire que la suite du Cameroun, se déroulera “normalement”‘?
Certes, ils n’ont pas tort de tenter des hypothèses mais franchement où allons-nous ? Alors que les deux tiers des cadres du Rdpc, sont phagocytés par le présidentialisme du Roi, et ses pratiques de suzerain, la Cour - comme la nomme Roberto Michels - a-t-elle une marge de manœuvre personnelle ? Il va de soi que non. La preuve par René Sadi! sans doute pour essayer d’accéder à une cohésion après la multitudes des mémorandums identitaires suivis d’appels du peuple tout aussi utilitaires, le registre pour comprendre la voie de militants et du Rdpc, est totalement brouillé , à cause de leur dépendance au système clientéliste.
En tout cas à voir les sorites et agitations des uns et des autres, il est clair que le Rdpc est bien un parti de cadres, de masse et élitiste. Au sens de la typologie de Maurice Duverger : c’est-à-dire une technostructure, formée à conserver le pouvoir sans l’avoir conquis dans une compétition électorale mais en exerçant le monopole coercitif, de l’Etat, incapable d’insuffler en son sein, une quelconque vie démocratique.
Ces atavismes sont consubstantiels aux formations politiques très ancrées dans les pratiques du Rdpc en particulier du fait de son statut hégémonique jusqu’à ce jour.
En somme tout se passe comme si l’actualité politique accrochée aux déboires et turpitudes du Rdpc, n’avaient rien d’autre à se mettre sous la dent que d’analyser, d’évaluer les faits et méfaits de ce parti-là, que se conduit parfaitement comme le décrivit hier Maurice Duverger, dans son ouvrage “les partis politiques” : un parti d’élite, de cadres et de masse. Dans cette classification Maurice Duverger soulignait combien toute logique de parti unique consistait à annihiler la valeur démocratique de la concertation pour installer système de cooptation ou autre centralisme démocratique, qui garantisse l’assujettissement des membres et de la base ! Un système clientéliste qui garantit la pérennité d’un type de dirigeants au sommet du parti. Car sous des formes apparemment démocratiques, les directions des partis, quelles qu’elles soient sont plus ou moins verrouillées et fermées. Le cas de l’Upc est un exemple patent de cette impossibilité des factions ou nouveaux courants à prendre la tête du mouvement. Même si le cas du Ps en France un véritable cas d’école, lié au contexte!, il y a toujours une difficulté des “ nouveaux” à prendre les commande du parti : cas de Ségolène Royal contre Martine Aubry. Oui rien n’est simple dans le champ politique, qui est miné par le jeu et le rôle des acteurs qui se télescopent à plusieurs niveaux ! Ils sont l’expression de la volonté d’une diversité d’opinion résultat d’un système inégalitaire qui laisse beaucoup de gens sur le carreau et fait des partis politiques des lieux de promotion sociale, au-delà des ambitions idéologiques affichées. Ils sont l’expression certes du suffrage universel, mais ils reprennent dans leur fonctionnement les hiérarchies féodales, républicaines ou démocratiques en cours dans la société.
Si l’actualité , telle qu’elle a été retenu dans la presse a fait référence aux consultations de René Sadi amenant certains de nos confrères à singulariser la méthode Sadi, jusqu’à le présenter comme dauphin putatif en même temps que Marafa Hamidou Yaya, actuel ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, c’est tout simplement que parfois, la presse camerounaise s’est laissée piégée par les logiques partisanes et par la manipulation des hommes de pouvoir : qu’ils soient en ordre de bataille pour le conserver ou encore pour le conquérir. Mais au fond où en est la situation des forces politiques au Cameroun à la veille d’une élection que d’aucun s’attachent à considérer comme fondamentale pour l’avenir du Cameroun ? En quoi les tribulations du Rdpc intéressent-elles le Cameroun et quelles peuvent être les conséquences de la tenue ou non d’un congrès du Rdpc pour le Cameroun tout entier ?
En réalité la manière dont se dessinent les rapports de forces au Cameroun, seraient de nature à inquiéter plus d’un observateur. Les rapports alarmants du Ccfd, quant à des scénarios catastrophes, indiquent que les observateurs ont pris la mesure de l’absence de riposte conséquente face au Rdpc et de stratégie. Ils préfèrent donc préconiser des voies de réformes au Rdpc, alors que c’est un parti qui peut mourir du jour au lendemain, si tant est que ses adversaires sont un peu organisés. En prétendant mettre en garde les autorités politiques pour leur indiquer la marche à suivre ces rapports condamnent d’une certaine manière la société civile camerounaise en même temps que l’opposition.
En d’autres termes, ces rapports mettent en en exergue le fait que le mouvement social n’a pas pu être assez animé, dynamique et fort pour imposer des réformes, refonte ou révision de la gouvernance. Ils n’en appellent qu’à la magnanimité de ceux qui sont au pouvoir ! Comme s’il était possible à celui qui a le pouvoir de se débarrasser de ses prérogatives.